Une belle soirée d'été

C’est un bel après-midi d’été. Alanguie dans mon fauteuil, je contemple rêveusement la campagne. Suite à une vieille mauvaise chute, mon dos s’est réveillé et je suis fatiguée. Un écureuil agile traverse la pelouse et escalade joyeusement le vieux cerisier. Les a-t-on coursé ces petites bêtes avec mon frère jumeau et notre cousin qui avait juste un mois de plus que nous et nous formions à l’époque une bande de joyeux drilles.
Petit bout de bonne femme, un peu sauvageonne mais surtout très vive et très rapide, j étais tantôt leur complice, tantôt leur souffre-douleur ! Que d’après-midi passés à faire des dérapages dans la cour de la ferme avec nos vieux vélos !
J’aimais m’isoler et somnoler, juchée sur la vieille balançoire branlante, doucement bercée par le vent. Soudain, je me retrouvais propulsée par 4 mains énergiques à une hauteur vertigineuse. En me cramponnant, j’essayais de résister à l’envie de sauter pour redescendre.
Ils adoraient aussi me promener dans la vieille brouette grinçante et finissaient souvent par me renverser au pied du tas de fumier.
Au bout du pré, où nous allions chercher les vaches pour la traite, un cours d’eau serpentait mollement : le jeu consistait à l’enjamber en prenant de l’élan et une fois sur deux, je retombais les pieds dans l’eau pour leur plus grand plaisir.
Agile, je savais grimper rapidement au sommet des arbres pour dénicher les œufs de pies, étant souvent la gagnante de ces foutus paris de « qui monte le plus vite », et ils savaient me le faire chèrement payer !
Mais, ces deux lascars avaient aussi besoin de moi, moi, la chouchoute de Papa !
Ils devaient me supplier pour que j’intercède en leur faveur afin d’essayer d’atténuer une trop sévère punition qui les attendait suite à leurs nombreuses frasques !
Mon père était un homme droit, juste mais sévère. Assis dans la grande cuisine, devant le râtelier à fusil, il convoquait les récalcitrants, tel Saint Louis rendant la justice sous son chêne. Tremblants, ils attendaient la sentence, en espérant que la punition qui allait tomber ne soit pas trop sévère.
Un petit coup d’air frais me sort de ma torpeur. Il est temps de rentrer parasol et coussins et d’attaquer la grosse salade de crudité qui va régaler les enfants affamés que j’entends rentrer d’une longue promenade en vélo.