ExerciceMots à utiliser : Haine – sculpture – puits – figuratif – Hongrois – déglingué – vent – roudoudou – Thème : vide grenier
L'art de remplir les greniers grâce aux vide greniers...
hop, ce titre pour les grognons qui susurrent que je suis limite hors sujet... quelle mauvaise foi !J’ai toujours été fascinée par le grenier à deux niveaux de la vieille maison familiale. Nous nous y retrouvions souvent, mes cousins et moi, lors des vacances scolaires. Il contenait les objets les plus hétéroclites que plusieurs générations y avaient relégués. Ma grand-mère, maîtresse des lieux, nous expliquait qu’on ne jetait pas comme aujourd’hui, que ses parents et les parents de ses parents conservaient les objets car, un jour ou l’autre, quelque descendant pourrait en avoir l’utilité. De ces bonnes intentions, économes et prudentes, résultait un entassement qui faisait notre bonheur.
Nous investissions ce lieu mystérieux, faiblement éclairé par les lucarnes encrassées du second niveau. L’escalier reliant les deux étages servait de modeste puits de lumière et nos lampes-torches étaient indispensables car la fée électricité n’avait pas conquis cet espace. Des caisses en bois, des cartons, des malles, des meubles plus ou moins déglingués regorgeaient d’objets inattendus. D’année en année nous découvrions toujours des objets qui avaient échappé à nos chasses précédentes : boules à neige asséchée avec la Tour Eiffel, collier de fausses perles, jeux de l’oie à la boite défoncée, chapeau de feutre défraichi genre Indiana Jones, napperon au crochet « fait maison », partition d’une opérette d’un auteur austro-hongrois, cendrier jaune « Ricard » ébréché
Parfaitement indifférents à la poussière et aux trous de mites, nous avions posé sur le plancher grossier, des tapis élimés, installé des fauteuils usés, désassortis. Quelques caisses servaient de sièges supplémentaires autour d’une table bancale qui complétait ce salon assez digne d’un film d’angoisse. Une sculpture figurative, inachevée, représentait un ange jouant de la flute et nous servait de mannequin ou de porte manteau.
Cet espace était nôtre et, selon nos humeurs, nous adorions nous y faire peur, surtout quand le vent soufflait sur les vieilles ardoises, ou nous amuser follement, sans aucune crainte. Nous inventions des jeux avec des objets glanés çà et là. Nous nous déguisions avec de vieilles fripes et nous exhumions des jeux anciens, rarement complets. J’aimais aussi explorer ce capharnaüm dans lequel je trouvais toujours des livres jaunis, à l’odeur si particulière. En suçant des roudoudous colorés, je feuilletais les vieux ouvrages avant de décider si j’allais les lire ou les abandonner.
Le temps a passé et aujourd’hui, je suis devenu la grand-mère ou la grand-tante qui hérite de l’entretien de la vieille maison. Bien que je sois animée par une haine farouche du désordre, le grenier reste dans l’état de jadis. Chaque année, j’y apporte ma touche personnelle en parcourant des vide-greniers à la recherche d’objets que je rajoute consciencieusement, comme l’ont fait ma mère et ma grand-mère avant moi et ainsi entretenir le mystère du grenier des danaïdes.
ED