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 La MAISON AUX VOLETS BLEUS

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vitoux




Messages : 12
Date d'inscription : 06/03/2019

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MessageSujet: La MAISON AUX VOLETS BLEUS   La MAISON AUX VOLETS BLEUS Icon_minitimeDim 28 Avr - 11:17


LULU ET LA MAISON AUX VOLETS BLEUS


La maison avait des volets bleus. D’un bleu délavé comme les yeux de GARANCE qui s’apprêtait à en pousser la porte.
C’est vrai que Garance avait les yeux d’un bleu pale, fragile, transparent comme une porcelaine de chine. C’est aussi vrai que, s’appeler Garance avec des yeux bleus, ça faisait rire ses amis, et moquer ses cousins, sauf Lulu qui était daltonien.
A 14 ans Lulu nourrissait pour sa cousine un amour exclusif et secret. « Garance, mon espérance ! » aimait- il murmurer dans l’obscurité de sa chambre, les soirs de grande solitude. La belle, n’était pas insensible aux attentions touchantes du garçon qui se proclamait « garde- du- corps- de- ma- cousine ». Elle trouvait cependant cette fonction quelque peu contraignante pour elle dans la mesure où, à son corps défendant, ça laissait les garçons du village hors de portée des poings de Lulu sans doute, mais également de son joli minois au regard prometteur ! A 15 ans sonnés la donzelle voulait croquer la vie comme sa sœur Blanche qui, depuis belle lurette n’était plus une oie !
Lulu était vraiment collant ! Il ne quittait pas sa cousine d’une semelle. Sa « fonction » affirmée de protecteur était surtout pour lui l’occasion de se délecter des charmes que Garance, avec malice, ne manquait pas de lui exhiber. « Pour le plaisir des yeux mais bas les pattes !», lui lançait en riant l’effrontée. S’il ne voyait pas les couleurs il voyait parfaitement les formes et le gamin n’en pouvait plus des agaceries de la demoiselle.
Il décida de passer à l’action. Trop de jeunes coqs tentaient d’approcher la belle en astiquant leur plumage. Lulu devait lui déclarer son amour, ce qui mettrait fin, pensait-il, aux cocoricos enroués des volailles adolescentes qui pullulaient dans le village.
Mais Lulu était timide. Jamais il ne pourrait lui avouer de vive voix, les yeux dans les yeux, qu’il se morfondait d’amour pour elle et pour la vie.
Il entreprit donc de lui écrire. Il vola à sa sœur Angèle un bloc de papier à lettre rose, avec en fond des cupidons joufflus et des cœurs dorés du meilleur goût, puis la langue entre les lèvres et la main tremblante d’émotion il écrivit en lettres majuscules : « MA GARANCE D’AMOUR JEU TAIME TROP POUR MON PETIT CŒUR QUI CRAQUE DE BONNE HEURE QUAND JE TE VOIX. JE TE VEUX, JE TE VEUX, JE TE VEUX. TU ES PLUS BELLE QUE LA TOUR EIFFEL ».
Il contempla avec satisfaction sa prouesse épistolaire avant de la glisser dans l’enveloppe du même rose sirupeux, lécha abondamment la partie encollée et fonça comme un dératé glisser son débordement d’amour dans la boite aux lettres de sa princesse préférée.
Lulu ne dormit pas de la nuit, imaginant qu’il enlevait sa belle sur un destrier blanc, fougueux comme lui, pour la conduire dans une grotte merveilleuse remplie de fleurs parfumées et d’encens.
Bref ; Lulu déraillait sérieusement.
Sur le coup de dix heures le téléphone sonna. Lulu entendit sa mère décrocher et s’écrier « Ah bonjour ma petite Garance comment vas-tu ? »
Le cœur explosa d’émotion dans la poitrine du gamin…un silence de plomb suivit… à l’autre bout du fil Garance parlait à sa mère… Mais de quoi ?
Le suspense prit fin avec un « entendu je vais lui dire. »
En raccrochant sa mère lui lança « la petite Garance est toute seule aujourd’hui et te propose d’aller avec elle porter des gâteaux à sa grand- mère ; c’est gentil de sa part ».
« Ah ben oui. » répondit le garçon, d’une voix étranglée. « Mais, elle habite où sa grand-mère ? »
« Tu sais bien, dans la forêt du pendu, la grande clairière, la maison avec des volets bleus ! ah oui c’est vrai tu ne vois pas les couleurs. De toute façon c’est la seule maison et Garance sera avec toi »
« Garance, oh ma Garance, oui, oui, tu seras avec moi ! » murmura-il sans que sa mère l’entende

II
La forêt du pendu se trouvait à 2 kilomètres du village. Elle n’était fréquentée que par des bûcherons, et à l’automne, par les chasseurs et les amateurs de champignons. Les enfants du village n’osaient s’y aventurer depuis qu’un promeneur avait découvert, sur le sentier principal, un vélo de femme tout neuf, sans autre signe distinctif qu’un clou de tapissier planté dans le pneu avant. Malgré les recherches effectuées par les gendarmes, la propriétaire ne fut jamais retrouvée et aucune disparition ne fut signalée. Le mystère du vélo abandonné donna naissances aux plus folles rumeurs d’enlèvements, de magie noire et de forêt hantée. ; il y eut même quatre grand mères à la langue bien pendue qui racontèrent avoir vu un homme avec un chapeau haut de forme s’enfuir sur le vélo crevé avec un grand singe assis à califourchon sur le porte bagage. L’homme au chapeau roulait à vive allure lorsque le singe sauta de la bicyclette et disparu dans l’épaisseur de la forêt. On retrouva le cadavre de la bête accroché par le cou à la branche fourchue d’un vieux chêne. C’est du moins ce que racontaient en ricanant nos 4 cancanières qui tenaient cette histoire d’un vieux conteur espiègle et boiteux. Et c’est ainsi que tous les gamins du village furent gagnés par une frousse abyssale qui les tint pour longtemps éloignés de la forêt du pendu.
Lulu connaissait cette histoire mais son amour pour Garance lui donnerait la force de dominer sa légitime trouille. N’était-il pas garde-du- corps- de-ma-cousine ? Le cœur battant de joie et d’appréhension, il se rendit au rendez-vous.
La jeune fille l’attendait, assise sur un muret de pierre sèche, à l’orée du bois. Vêtue d’un jean troué aux genoux et d’un t-shirt rouge, imprimé d’une tête de maure noire, elle rayonnait de beauté sauvage dans le soleil de juillet. Un vent léger jouait dans les boucles brunes de sa chevelure ébouriffée. Son teint halé faisait ressortir la clarté perçante de son regard bleu.
« Bonjour Lulu d’amour », lui lança-t-elle avec un sourire enjôleur.
Il ne sut que répondre ; il en était incapable ; paralysé par l’émotion, mille choses se mélangeaient dans sa tête. Se moquait elle ? Était-elle sincère, était-elle émue ? Trop belle, trop mignonne, trop jolie, lui trop bête, trop con, trop timide. Tout était TROP pour lui. Il crut défaillir. Elle lui prit la main et l’attira contre elle. Il avait chaud. Elle sentait bon les fleurs des champs, elle sentait bon l’été, elle sentait bon le vent. Lulu ferma les yeux et se mit à pleurer. Le garde du corps de sa cousine ne gardait plus rien du tout !
« Ouh là là mon Lulu, faut pas te mettre dans cet état ! » Un léger baiser effleura ses paupières humides. « Faut pas avoir peur, la forêt du pendu c’est qu’une légende pour flanquer la pétoche aux enfants ; y a pas plus d’pendu que de singe à bicyclette ! allez viens, je vais te faire visiter la maison aux volets bleus dans cette fameuse forêt du pendu ! »
Lulu lui, se serait bien pendu au cou de sa cousine, mais déjà elle l’entrainait vers la forêt profonde.
III
Dans la tempête de son émotion, Lulu ne s’était pas rendu compte que Garance n’avait pas de sac ni de paquet alors que sa mère lui avait dit que sa cousine devait porter des gâteaux à sa grand-mère. Il le fit remarquer à la jeune fille. « Je les ai mangés en t’attendant ! » dit-elle en éclatant de rire. « Quand même, je trouve que c’est pas sympa pour ta grand-mère ! » déclara Lulu, déçu par le comportement de l’élue de son cœur dont l’image idéalisée se trouvait soudainement écornée.
« Meuh, mon Lulu d’amour, ma Mémé n’a plus de dents. Elle mange que des bouillies, alors c’est moi qui mange ses gâteaux pour pas qu’elle s’étouffe ! »
Devant cette logique implacable Lulu resta coi !
Coi et dubitatif !
Dubitatif et quelque peu fâché !
Il se tu et prit un air boudeur qui l’accompagna jusqu’à la clairière….

Là, au milieu des ronces, tentait de se dresser, tant elle paraissait fatiguée, une maisonnette lézardée, aux volets écaillés, dont le bleu d’origine, avait pali au fil des ans, pour s’accorder enfin à l’azur transparent des yeux de Garance. Celle-ci frappa 2 fois à la porte vermoulue et, sans réponse et sans hésitation, entra dans la maison suivie par Lulu. La porte en grinçant, s’était refermée derrière eux.
Dans la pénombre le « garde du corps » proclamé de sa cousine était pétrifié de trouille. Un silence de tombeau envahissait l’espace. Aucun signe de vie…aucune lumière autre que celle qui perçait sous les volets disjoints. Et cette odeur bizarre qui planait dans l’air…Un mélange de vieux tabac et de cierge d’église peut être ? Sur une table trainait dans la poussière, à côté d’une bouteille de Coca Cola vide, un vieil album de Tintin, « le Temple du Soleil » un peu moisi par l’humidité, ouvert sur une double page où l’on voyait le héros ficelé sur un bucher. Il attendait impatiemment l’éclipse qui permettrait sa délivrance.
« Tu l’as lu Lulu celui-là ? » lança Garance
Mais à cet instant Lulu n’avait pas le gout de parler de ses lectures, fussent-elles consacrées aux aventures de Tintin qu’il aimait tant.
« Où qu’elle est ta mémé ? » murmura-t-il dans un souffle !
Garance, hilare, se tourna vers un Lulu décomposé et lui murmura, en prenant une voix funèbre « Ma Mémé elle est dans l’EPAHD de Saint Loup des Bois »
Mais ce qui parvint au cerveau embrumé de Lulu devenait « Ma Mémé elle est dans les pattes de cinq Loups »
Un frisson d’horreur secoua le gamin qui se mit à hurler : « Sorcière, sale Sorcière…les loups vont manger ta Mémé » en bondissant vers la porte d’entrée. Mais, avant qu’il ait eu le temps de l’ouvrir, un aboiement furieux éclata au fond d’une pièce voisine. Lulu, tétanisé, s’effondra en larmes. Garance cria : « Vous êtes là Monsieur Boudu ? » Le vieux garde-chasse sortit de la cuisine d’où il achevait de cuver sa piquette en compagnie de Brutus, son Berger beauceron. Il avait les clés de la maison depuis que la grand-mère était partie et venait souvent s’y reposer entre deux traques aux braconniers. Surpris par la présence des deux adolescents, le grand chien noir, en se redressant subitement, le poil hérissé, montra deux impressionnantes rangées de crocs destinés à mordre.
« Couché Brutus ! » ordonna Boudu allant vers Garance pour l’embrasser
« Ben dis donc ma jolie, ton copain il a pas l’air bien vaillant ! C’est y ton amoureux ce gringalet ? »
« Pas du tout ! » répliqua la donzelle avec un rire moqueur : « c’est mon cousin Lulu, mon garde du corps ! »
Le garçon, piqué au vif se redressa d’un bond, rouge comme un coq, décochant à sa cousine un regard assassin, il déclara solennellement d’un ton rageur : « Je ne suis plus le garde du corps de ma cousine qui a livré sa Mémé à manger aux loups ! ».
Sur ces mots il ouvrit la porte et disparu dans la forêt.

Aujourd’hui, Garance vit à Saint Loup -Lemairé, dans les deux Sèvres, dont elle a épousé le premier magistrat, Martin Lecornu. Toutefois on la voit souvent en joyeuse compagnie avec Mellors, un jeune anglais, fils d’un ancien garde-chasse.
Lulu, après plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, a trouvé un emploi de factotum à l’EHPAD de Saint Loup. Son activité principale, outre la plonge, c’est Garde du Corps de mademoiselle Lucette, la cuisinière. C’est également lui qui a repeint en bleu les 31 volets de l’établissement.



12/12/2018

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