Le Lac Noir

Décrire un lac vu par un jeune homme qui vient de commettre un meurtre


LE LAC NOIR

La lune émerge doucement derrière les peupliers.
Debout sur le ponton de bois qui sert d’embarcadère aux pédalos, le jeune homme frissonne. De froid ? De peur ? Il ne sait pas. Il ne sait plus le jour, l’heure , la saison, il ne sait plus reconnaître ces lieux qui lui sont pourtant si familiers .
Hier encore, il venait pêcher ici, Elle était assise près de lui . Elle aimait agiter ses pieds nus dans l’eau pour effrayer les poissons et riait de le voir fulminer contre ses gamineries . Cela se terminait souvent par des cris, des baisers, des caresses et un joyeux plongeon des deux amants dans les profondeurs du lac.
Ce soir tout est calme. Ou presque. Quelques chauves-souris achèvent leur ballet silencieux au ras des herbes. Un héron au vol lourd regagne son nid dans les hautes branches du hêtre mort qui borde les berges près du sentier du moulin. Vers l’ancien déversoir les grenouilles viennent de terminer leur concert. Un canard égaré glisse entre les roseaux
Tout devrait respirer la paix et la sérénité dans ce beau soir d’été encore imprégné d’une chaleur que n’éteint pas la tombée du jour.
.Pourtant ce paysage lui est devenu hostile. Il se sent étranger à cette douceur nocturne qu’il ne
parvient pas à ressentir. Dans le contrejour blafard de la pleine lune il ne voit que des formes menaçantes, pétrifiées dans un calme glaçant, comme les eaux noires du lac, immobiles et secrètes. Près du hangar à bateaux, son regard s’accroche à la vieille périssoire de son enfance qui achève de pourrir dans la vase. Plus loin, dans l’ombre de la « roche aux mouettes », une forme blanche fantomatique semble flotter entre deux eaux.
Il frissonne à nouveau et se couche sur le bois tiède du ponton la joue posée sur son mouchoir où se mêlent l’odeur âcre du sang et le parfum fleuri « Anaïs de Cacharel » . Il attendra ainsi le lever du jour et l’arrivée de la police.


3/11/2019